Modèle des cinq forces de M. Porter: quel rôle du numérique?

  Les schémas

Porter11. Le modèle des cinq forces concurrentielles de M. Porter

Porter2

2. L’impact du numérique dans le modèle de la chaine de valeur

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Définition des principaux concepts

Différents avantages stratégiques, différentes forces concurrentielles, différentes chaines de valeur… Michael Porter (1985) est le représentant le plus important des stratégies de positionnement sur un marché (Porter 2001).

De nombreuses recherches en S.I. ont fait appel au modèle stratégique de Porter (voir IT and Porter’s Competitive Forces Model and Strategies, chapitre 14 de l’ouvrage Information System Theory à cette adresse) et pour M. Porter et J. Heppelman (2014)  les produits « intelligents et connectés » continuent aujourd’hui à changer les règles de la compétition et les avantages compétitifs.

 

1. Les trois stratégies génériques

Pour Michael Porter (1985) une stratégie doit reposer sur un avantage concurrentiel qui peut résulter:

  • soit d’un avantage par les coûts (avec de faibles marges, mais avec une large cible);
  • soit d’un avantage par une différenciation (par une offre à haute valeur ajoutée, avec de fortes marges);
  • soit d’un avantage par focalisation (par une offre sur mesure, sur une cible restreinte du marché).

Sur les stratégies de différenciation ou de focalisation, voir cette page dans 4tempsduManagement.fr : différenciation par sophistication, par épuration, par spécialisation, par temps ou  par marque.

Pour mieux comprendre la formation de la pensée de M. Porter et pour placer cette priorité donnée au  « positionnement sur un marché » vis-à-vis des critiques de La théorie des ressources-compétences, voir cette Vidéo de P. Baumard et F. Le Roy (2014):

B-LR.

2. Le premier MODÉLE DES CINQ FORCES concurrentielles

La grande idée de M. Porter dans les années 70 (voir schéma 1 ci-dessus) est que ces trois grandes stratégies génériques ne dépendent pas seulement du rapport de force classique et permanent entre les concurrents directs sur un secteur, mais au moins de quatre autres forces qui structurent un marché (des forces pour lesquelles la maitrise de technologies d’information et communication est devenue cruciale, voir Porter 2001):

  • la menace des nouveaux entrants potentiels si le secteur est attrayant;
  • la menace des offreurs de produits de substitution si des innovations sont possibles;
  • le pouvoir de négociation avec les fournisseurs dans le cadre d’un réseau;
  • et le pouvoir de négociation avec les clients dans le cadre d’un marketing relationnel.

Bakos et Treacy (1986) ont ainsi validé un modèle causal où les deux déterminants de l’avantage concurrentiel sont l’amélioration du pouvoir de négociation vis-à-vis des clients (caractéristiques du produit, coût de recherche et coût de changement) et le rendement comparatif (rendement interne et rendement inter-organisationnel avec les partenaires).

BakosModèle causal de l’avantage concurrentiel (d’après Bakos et Treacy)

Enfin l’intervention des pouvoirs publics et des autorités de régulation peut constituer une sixième force…

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3. L’impact du numérique sur la CHAINE DE VALEUR: le lien entre activités primaires et activités de soutien

L’autre grande idée de M. Porter est que la chaine de valeur d’une entreprise optimise la configuration produits/clients/technologies, pour que le montant qu’acceptent de payer les acheteurs excède le coût des activités de réalisation (voir M. Porter et V. Millar 1985) :

  • les activités primaires de la chaine de valeur correspondent à l’acquisition des ressources, à la fabrication, à la distribution et au service après-vente ;
  • les activités de soutien correspondent à l’infrastructure de l’entreprise (voir schéma 2 ci-dessus).

Le point important est ici que les technologies numériques sont susceptibles non seulement d’influencer chaque activité (primaire ou de soutien) dans sa composante physique ou informationnelle, mais également d’influencer la façon d’organiser les liens entre ces différentes activités, à l’intérieur de l’entreprise (comme une nouvelle gestion des processus) ET à l’extérieur (comme de nouvelles synergies, de nouvelles coordinations avec les clients et les fournisseurs).

J. Rayport et J. Sviokla (1995) ont alors montré que l’on peut parler d’une « matrice de valeur », car il y a en fait deux chaines de valeur: la chaîne de valeur dans l’espace virtuel n’a pas la même la logique économique (économies d’échelle et de gamme) que la chaîne de valeur dans l’espace physique. Les deux chaînes doivent être gérées distinctement mais aussi de concert.

Matrice Valeur.

4. Le grand débat sur le rôle stratégique des technologies de l’information

  • Pour beaucoup d’auteurs, un usage approprié des technologies numériques peut permettre de modifier considérablement l’équilibre des forces concurrentielles, notamment dans les relations avec les fournisseurs ou les clients : gestion de la chaine logistique, centrales d’achat, personnalisation des produits, assistance et dépannage à distance, géolocalisation, télémaintenance, abonnements, places de marché, développement des médias sociaux et des recommandations, Internet des objets… (voir  P. Kolter et al. 2017 et voir la page Les stratégies de rupture).
  • Mais pour d’autres auteurs au contraire (voir N. Carr, 2003, Does IT matter? Information technology and the corrosion of competitive advantage) le numérique devient aujourd’hui une infrastructure banalisée et accessible à toutes les entreprises: ces technologies ne seraient donc plus en elles-mêmes une vraie source de différenciation sur le plan stratégique.

Voir les éléments de cet important débat dans Bannister et Remeny (2005).

En tout cas, pour M. Porter et J. Heppelman (2014)  les produits « intelligents et connectés » continuent aujourd’hui à changer les règles de la compétition et les avantages compétitifs:

Porter3

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Voir les autres théories utilisées dans les stratégies des S.I.

Voir la carte générale des théories en management des S.I.

RÉFÉRENCES

Michael Porter (2001), Strategy and the Internet, Harvard Business Review, March 2001

le lien

M. Porter, V. Millar (1985), How information gives you competitive avantage, Harvard Business Review, 63 (4)

le lien

M. Porter, J. Heppelman (2014), How Smart, Connected Products Are Transforming Competition,  Harvard Business Review n°3

le lien

J. Rayport,  J. Sviokla (1995), Exploiting the virtual value chain. Harvard business review

le lien

P. Kolter et al. (2017), Marketing 4.0, le passage au digital, DeBoeck
J. Bakos, M. Treacy (1986), Information Technology and Corporate Strategy: A Research Perspective, MIS Quarterly, June 1986
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N. Carr (2003), IT Doesn’t Matter, Harvard Business Review, May 2003
F. Bannister, D. Remenyi, D (2005), Why IT Continues to Matter: Reflections on the Strategic Value of IT, The Electronic Journal Information Systems Evaluation Volume 8 Issue 3
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Voir sur le site  IS Theory  une liste de recherches en SI qui utilisent cette théorie :