Théorie de la culture et identités au travail: socialisation, reconnaissance par autrui – R. Sainsaulieu

Schéma général

vie-au-travail

Les identités au travail (d’après etreautravail.com)

Définition des principaux concepts

Plutôt que de culture, Renaud Sainsaulieu (1977, 1986, 1988) préfère parler d’identité au travail. Il analyse l’entreprise comme un lieu de socialisation : l’entreprise a un statut « d’institution intermédiaire », où il faut donc favoriser l’apprentissage culturel (expérimentation de nouvelles structures, formation permanente, changements technologiques, expression et participation… pour un « développement social de l’entreprise »), voir l’analyse de C. Dubar (1998) et voir l’hommage rendu  à R. Sainsaulieu par D. Segrestin (2002).

1. L’identité au travail est un construit social, qui s’établit dans un certain rapport de force

L’enjeu de l’identité au travail c’est la reconnaissance de soi par autrui : c’est donc dans une “lutte” que le sujet affirme sa différence. L’identité est relationnelle : un «soi» différent du « soi des autres », mais construit par la relation aux autres (relation aussi bien amicale qu’inamicale).

Les différentes cultures dans l’entreprise sont alors fondées sur la reconnaissance des différences et sur la formulation collective de projets (voir Alter et Laville 2004). L’activité professionnelle peut en effet s’avérer une source d’identité profonde (voir Garner et Méda 2006) : non seulement elle fournit un statut (voir M. Crozier dans Analyse stratégique des jeux d’acteurs), une reconnaissance sociale (voir Théories du capital social), mais elle est également à l’origine de certaines façons de parler, d’agir, de penser (par exemple pour les ingénieurs, autour de l’innovation technique et du travail en équipe (voir P. Bourdieu dans  Théories de la culture et Habitus).

2. R. Sainsaulieu a d’abord pu caractériser quatre modes différents d’identité collective

  • une culture de la fusion ou modèle “communautaire” : culture de masse, de solidarité entre pairs, fusion, fraternité, camaraderie, syndicats… valorisation de “la communauté”.
  • une culture de la négociation ou modèle du “métier” : culture d’experts, de la différence, autonomie, mérite… valorisation de “la mission”. Par les compétences et les responsabilités on affirme sa différence, on négocie ses alliances et sa reconnaissance sociale.
  • une culture d’affinité ou modèle du “parcours” : culture des relations, individualisme, parcours personnel, capital social… valorisation de “la carrière”. Ici pas de forte solidarité entre collègues, mais des connivences affectives pour chercher une ascension sociale.
  • une culture de retrait ou modèle “réglementaire” : culture de l’exclusion, des marginaux, des dominés ou des “réglementaristes”… valorisation de “la règle”. Ici on est présent mais en fait absent, “la vie est ailleurs” car les emplois peu qualifiés ne permettent pas une construction de l’identité dans la sphère du travail.

3. Aujourd’hui de nouvelles formes d’identités au travail sont repérables

L’introduction des nouvelles technologies, les nouveaux modes d’organisation du travail et l’invasion des outils de gestion ont contribué à démultiplier les moyens d’accès au pouvoir et donc à affaiblir les pôles traditionnels d’identification au travail (voir Demailly et De La Broise 2009) :

  • les modalités d’accès à la reconnaissance sont donc aujourd’hui plus critiques : sur la figure contemporaine du « métier » voir Osty et Dahan-Seltzer (2006), sur identités de métier et résistances voir Uhalde (2005), sur « la plainte » comme outil de reconnaissance voir F. Osty (2010) ;
  • mais on voit néanmoins apparaitre d’autres formes d’identités professionnelles, telles que l’identité de service public et l’identité entrepreneuriale (voir Zalio 2004) ou telle que l’identité des concepteurs-développeurs (voir Minguet et Osty 2012).

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Voir les autres théories utilisées dans le contrôle des S.I.

Voir la carte générale des théories en management des S.I.

RÉFÉRENCES

Renaud Sainsaulieu (2009), L’identité en entreprise (Chapitre d’ouvrage)

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R. Sainsaulieu (1977), L’identité au travail, note de lecture des étudiants MIP du Cnam

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R. Sainsaulieu (1988), Stratégies d’entreprise et communautés sociales de production, Revue économique. Volume 39, n°1

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R. Sainsaulieu, D. Segrestin (1986), Vers une théorie sociologique de l’entreprise, Sociologie du travail, n°3

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C. Dubar (1998), La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles, note de lecture des étudiants MIP du Cnam

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D. Segrestin (2002), In memoriam : Renaud Sainsaulieu (1935-2002), Revue française de sociologie 43-4

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N. Alter, J-L Laville (2004), La construction des identités au travail, Sciences humaines n°149

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P-P. Zalio (2004), L’entreprise, l’entrepreneur et les sociologues, Entreprises et Histoire n°35

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L. Demailly, P. de La Broise (2009), Les enjeux de la dé-professionnalisation, Socio-logos. Revue de l’association française de sociologie N° 4

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H. Garner, D. Méda (2006), La place du travail dans l’identité des personnes, Données sociales La société française

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F. Osty (2010), La reconnaissance, un impensé organisationnel, Agir en clinique du travail

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F. Osty, G. Dahan-Seltzer (2006),  Le pari du métier face à l’anomie, Nouvelle revue de psychosociologie, no 2

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M. Uhalde (2005). Crise de modernisation et dynamique des identités de métier dans les organisations. La Revue de l’Ires, 47(1)

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G. Minguet, F. Osty (2012), L’identité de conception comme ressort de l’innovation intensive, Schedae, fascicule n° 1

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