OST, Organisation scientifique du travail: ingénieurs et exécutants – F. Taylor

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Définition des principaux concepts

Deux idées peuvent résumer les principes du « management scientifique » mis en avant par Frederick Taylor au début du 20ème siècle (voir Taylor 1911, 76 pages) :

  • à chacun selon son métier : les exécutants exécutent et les ingénieurs des méthodes savent comment rationaliser le travail;
  • les exécutants n’ont qu’une motivation financière à travailler.

1. La séparation des tâches, chacun son métier

Dans l’entreprise, il y a ceux qui sont instruits et dont le métier est l’organisation dans les bureaux d’études, et ceux qui sont peu qualifiés et dont le métier est l’exécution dans les ateliers.

2. L’Organisation Scientifique du Travail

F. Taylor (1856-1915) a la certitude que le travail doit être exécuté conformément aux règles découvertes par les ingénieurs des méthodes, qui savent optimiser l’exécution de chaque élément du travail avec les outils les plus appropriés (optimisation « One best way »).

L’application de « la » meilleure solution aux contraintes « purement objectives » d’un travail permet de standardiser les tâches, libérant ainsi le travailleur du contrôle par supervision directe, car une bonne organisation standardisée “au service de la machine” peut résulter d’un savoir scientifique (voir les concepts de supervision et de standardisation, développés par H. Mintzberg, dans Décision et modes de coordination).

Dans son ouvrage de 1911, Taylor conclut ainsi :

  • La science, pas la règle empirique;
  • L’harmonie, pas la discorde;
  • La coopération, pas l’individualisme;
  • Des résultats maximum , au lieu de résultats restreints;
  • Le développement de chaque homme, pour sa plus grande efficacité et prospérité.

3. La motivation au travail des exécutants est financière

Comme leur motivation est essentiellement financière, les exécutants ont intérêt à demander une rémunération individualisée, payée « aux pièces » produites si le quota scientifiquement calculé a pu être dépassé (… travailler plus pour gagner plus). On peut ainsi associer l’efficacité et la productivité : les intérêts des patrons, des ingénieurs et des exécutants peuvent se rejoindre et l’entreprise éviterait alors les conflits.

  • voir cette page Web qui avait été publiée en 2004 par C. Hohmann : en annexe on y relate les trois plus fameuses expériences de Taylor.
  • voir cet article de M. Mousli (2006) dans Alternatives économiques, sur la méthode « scientifique » selon Taylor.
  • voir aussi les réactions de ce qu’on a appelé « l’École des relations humaines », dans Théories de la motivation.

4. La réalité de l’OST aujourd’hui

Depuis plus d’un siècle, il est toujours de bon ton de critiquer ce taylorisme (au départ appliqué aux « cols bleus » dans l’industrie, puis ensuite aux « cols blancs » dans les services). On met alors en avant toutes les transformations qui seraient notamment liées aux « nouvelles technologies » :

  • le travail en équipe, l’autonomie, l’implication… (voir L’Organizational Development dans La Conduite du changement);
  • l’agilité, le management des compétences, l’innovation… (voir le site 4tempsdumanagement, qui propose de nombreuses vidéos autour du thème de « l’entreprise libérée »).

Mais dans les faits ?  Les principes du taylorisme ne tiennent pas seulement à l’optimisation d’une série de procédés individuels, mais sans doute plutôt à un principe plus général de gestion du travail en entreprise : le contrôle par la direction du produit et des méthodes d’un travail collectif:clic4

  • les DSI, directions des systèmes d’information, ne sont-elles pas aujourd’hui dans la continuité des ingénieurs des méthodes de Taylor (analyse préalable, analyse conceptuelle, reconfiguration des processus, Workflow…)? Le taylorisme assisté par ordinateur? Voir les analyses de J-L Peaucelle (2000), de Y. Pesqueux (2001), de L. Baronian (2013);
  • le Lean Management, dans une recherche obsessionnelle des gains de productivité (voir La nature du changement et voir la Théorie de Slack organisationnel), n’est-il pas une méthode d‘extension du taylorisme à tous les secteurs de l’économie? Voir ce reportage dans l’émission Spécial investigation, cet article sur le site Rue89 et cet article sur Les Echos;
  • le Digital labour au XXIe siècle n’est-il pas la face cachée des technologies de l’intelligence artificielle? Les «travailleurs du clic», nouveaux prolétaires du numérique? Voir l’analyse de A. Casilli et D. Cardon, dans cette note de lecture de O. Cléach (2015) et dans cette note de lecture de J. Confavreux (2018).
  • l’Entreprécariat, néologisme associant le mythe de la Startup et la réalité du management algorithmique de travailleurs non-salariés, n’est-il pas le fondement de l’OST dans « l’économie des plateformes »? Notifications, vérification, quantification, confirmation des prestations, gestion par les scores… pour organiser la subordination technique et l’instabilité? (voir Caselli : De la classe virtuelle aux ouvriers du clic, 2019).
  • le taylorisme numérique, en passant des simples tableaux de bord aux puissantes plateformes numériques, ferait passer les salariés d’une subordination collective à la subordination « personnalisée » (que nul ne semble plus contester aujourd’hui), voir l’analyse de D. Linhart : Du taylorisme mécanique au taylorisme numérique (2022).

Dans une perspective historique du management, on trouvera trois contributions intéressantes:

  • un texte du théoricien marxien Antonio Gramsci en 1930, qui pointe ici le rôle du contrôle des mœurs et de la prohibition, dans l’avènement de l’homme nouveau du capitalisme tayloriste;
  • une vidéo de Isabelle Huault, qui replace l’OST dans un panorama des théories des organisations  (3 mn, sur TVDMA) : cette vision  très mécanique de l’organisation (OST) s’est ensuite ouverte à une vision de l’environnement dans la structuration des organisations, ensuite à une vision psychologique puis une vision socio-politique des entreprises, et aujourd’hui à une vision plus critique du « managérialisme »;
  • l’ouvrage « Apocalypse managériale » F.X. de Vaujany (2022), qui montre à quel point le management s’est institutionnalisé depuis 1945 aux USA comme une pratique de contrôle et de représentation (la logique concurrentielle de l’ennemi) indissociable de la cybernétique et du contrôle numérique.

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Voir les autres théories utilisées dans le contrôle des S.I.

Voir la carte générale des théories en management des S.I.

RÉFÉRENCES

Frederick W. Taylor (1911), The Principles of Scientific Management (76 pages)

Pdf

L. Baronian (2013), L’âge du nouveau taylorisme, Revue de la régulation, 14, 2e semestre

le lien ou le Pdf

A. Casilli (2019), De la classe virtuelle aux ouvriers du clic. La servicialisation du travail à l’heure des plateformes numériques. Éditions Esprit, hal-02173010

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D. Linhart (2022), Du taylorisme mécanique au taylorisme numérique : de la subordination collective à la subordination personnalisée. Éditions Attac, Les possibles n°20

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Y. Pesqueux (2001), Du taylorisme au post-taylorisme: pour une déconstruction de la transversalité. Conférence, Metz
J-L Peaucelle (2000), Du taylorisme au post taylorisme : poursuivre plusieurs objectifs de gestion simultanément